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Memoria Momenti 36
La truffe dans la Vienne de Loudun à Chauvigny
Les dieux grecs de l’Olympe ont créé la truffe ! Héphaïstos, le forgeron, tire de son tablier de cuir une boule de houille à laquelle il donne sa couleur et sa substance ; Dionysos lui offre le rythme saisonnier ; Aphrodite, un fétu de son tempérament amoureux ; Ariane l’enfouit sous une couche d’humus entre deux chênes ; quant à Zeus, d’un éclair fertilisant il donne naissance au mystérieux champignon.
Si la truffe est mentionnée pour la première fois sur une tablette sumérienne il y a 4 000 ans, en Mésopotamie (site de Mari), les Grecs comme les Romains apprécièrent ce mets d’exception proposé par les dieux.
Théophraste (372-287 av. J.-C.), savant grec, élève d’Aristote, en expliquait ainsi l’origine : “végétaux engendrés par les pluies d’automne accompagnées de coups de tonnerre” .
Pline l’Ancien (23-79 ap. J.-C.) en dit un peu plus dans son Histoire Naturelle : “Et, puisque nous avons commencé par les merveilles, poursuivons-en l’examen dans l’ordre. La plus grande est bien que quelque chose puisse naître et vivre sans racine. C’est ce qu’on appelle les truffes : elles sont complètement entourées de terre et ne prennent appui ni sur des fibres ni même sur un chevelu ; l’endroit où elles naissent ne présente généralement ni protubérances ni fentes.
Elles n’adhèrent pas non plus à la terre et sont même enfermées dans une écorce, de sorte que nous ne pouvons vraiment dire ni que c’est de la terre ni que c’est autre chose qu’une callosité de la terre. Elles naissent généralement dans les terrains secs, sablonneux et couverts d’arbrisseaux. Elles dépassent souvent la grosseur d’un coing et atteignent même le poids d’une livre. Il y en a deux espèces : l’une, pleine de sable, est l’ennemie des dents ; l’autre est propre. On les distingue encore par la couleur : la rousse, la noire et celle qui est blanche à l’intérieur ; les plus estimées sont celles d’Afrique. Se développent-elles ou bien cette maladie de la terre (il n’y a en fait pas d’autre explication possible) prend-elle dès l’abord la forme arrondie et le volume qu’on lui trouvera ? Vivent-elles ou non ? c’est, je pense, un point malaisé à discerner. En fait elles pourrissent comme le bois. Nous savons que l’ancien préteur Larcius Licinius, alors qu’il rendait la justice en Espagne il y a peu d’années, trouva en mordant dans une truffe un denier qui lui ébranla les dents de devant, ce qui prouvera que cette boule est faite de la substance de la terre. Toujours est-il que nous rangerons les truffes parmi les productions qui viennent spontanément et ne peuvent être semées”.
Pline évoque à la suite d’autres variétés comme le terfez (terfezia leonis Tul.), la truffe du désert et d’autres plus difficilement déterminables, puis il décrit sa végétation : “On rapporte des truffes les particularités suivantes : elles naissent après les pluies d’automne et les coups de tonnerre fréquents, et surtout à la suite des coups de tonnerre ; elles ne passent pas l’année et sont le plus tendres au printemps”.
Enfin, il évoque les régions de provenance : “On les dit naître en certains lieux seulement des eaux courantes …”. Les Tiares sont un lieu où elles sont très abondantes. Les truffes les plus célèbres d’Asie sont dans les environs de Lampsaque et d’Alopéconnèse ; celles de Grèce, dans les environs d’Elis. En Iran, Avicenne (980-1037), dans le Qanûn ou Canon de la médecine, conseille l’usage de la truffe au malade ; en Italie, au XVIe siècle, le médecin de Sienne, Matiolli, reprenant les six livres de Dioscoride (20, 40-90 ap. J.-C.), fera passer à la postérité ce contemporain de Pline l’Ancien grâce à de riches commentaires.
Cette contribution nouvelle, pour les médecins comme pour les botanistes, sera rééditée pendant près de 200 ans.
Avec cette lignée antique, on aura compris que la truffe à Chauvigny (Vienne) n’est qu’un prétexte pour faire partager au plus grand nombre la connaissance de ce végétal qui donnait à la Vienne, à la fin du XIXe siècle en France, une place au premier rang des départements producteurs.
Outre la présentation de Coralie Moinard [C.M.] de la truffe en général et de sa culture dans le Loudunais d’après le travail de Thérèse Dereix de Laplane, nous évoquons la trufficulture d’aujourd’hui.
Pour conclure, nous laissons le mot de la “faim” à André Point qui a bien voulu donner quelques-unes de ses recettes. Entre novembre et mars, il les concocte pour ses convives dans son restaurant l’Angélic Caffé à l’instar de Brillat Savarin appliquant un aphorisme de Curnonsky : “En cuisine comme dans tous les autres arts, la simplicité est le signe de la perfection”.
Max Aubrun [M.A.]
AUBRUN (M.), MOINARD (C.), La truffe dans la Vienne de Loudun à Chauvigny, Memoria Momenti 36, 2015, 64 p. Format 17 x 24 - Couverture couleur - Photographies couleur & N&B. Poids : 400g.
ISBN 9791090534346